Plus qu'une simple boisson, le café incarne une tradition culturelle profondément ancrée, variée selon les continents mais universelle dans son essence. Des hautes terres d'Éthiopie, berceau de l'arabica, aux vastes plantations du Brésil, premier producteur mondial, le café est à la fois un art, une science, et un vecteur de sociabilité. Un Français boit environ 500 tasses de café par an. Le marché mondial des capsules de café en 2024 est évalué à 26,5 milliards d'euros (37 milliards prévus en 2029). La fabrication d’un kilo de café soluble génère 28,7 kilos de CO2 (130 kilos pour un steak).
C’est inéluctable. Sous l’effet du changement climatique, le café va devenir, à terme, une denrée plus rare et plus chère. Stress hydrique, nouveaux parasites et maladies commencent déjà à décimer une bonne partie des caféiers, sauvages ou de culture, et la tendance va aller en s’aggravant. Pour éviter le désastre, des solutions sont envisagées : déplacement des cultures (comme pour le vin), utilisation de nouvelles espèces (la recherche en génétique pourrait aboutir à la création de variétés plus résistantes) ou de semences anciennes. L’agroforesterie, qui consiste à faire pousser les plantes à l’abri des arbres, présente l’avantage d'optimiser la ressource en eau et de préserver la biodiversité.
Si l’Éthiopie est le berceau de notre breuvage favori, c’est au Yémen que la culture du café aurait réellement débuté, au XVe siècle. Du XVIe au XVIIIe, ce pays du golfe Persique commercialise la précieuse denrée, depuis le port de Moka, tout autour du bassin méditerranéen alors dominé par l’Empire ottoman. On déguste le café à Istanbul avant qu'il ne soit découvert par les Européens au XVIIe siècle. Aujourd’hui, le Yémen est un producteur très marginal, loin derrière les géants que sont le Brésil, le Vietnam, l’Indonésie et la Colombie.
Même s’il est moins dangereux que l’alcool ou la cocaïne, le café est classé parmi les substances psychotropes. Ses effets sont bien sûr limités, et le risque d’addiction très léger. On sait que la caféine (présente aussi dans les fèves de cacao ou la noix de cola) stimule l’activité cérébrale, retarde la fatigue et peut améliorer l’humeur. Attention aux excès cependant : troubles cardiaques légers, brûlures d’estomac, tremblements ou encore maux de tête peuvent survenir.
On n'en compte que quelques dizaines en France. Les sommeliers du café sont des spécialistes de la boisson dont ils connaissent toutes les variétés et, comme pour le vin, savent en commenter les caractéristiques ou les provenances (crus, terroirs...). Experts autant dans la maîtrise de la torréfaction que de celle des percolateurs, ce sont des virtuoses du latte art, cette technique qui consiste à dessiner d’élégants motifs dans la mousse de lait d'un cappuccino ou d'un macchiato. Les grandes marques de café organisent des formations pour ces professionnels de plus en plus recherchés par les restaurants. Les meilleurs se retrouvent chaque année pour le Championnat du monde des baristas. C’est un Indonésien qui a décroché le titre cette année.
Une étude australienne menée auprès de 450 000 buveurs d'arabica et publiée en 2022 a montré que la consommation de deux ou trois tasses quotidiennes de café réduisait de 20% le risque de maladies cardiovasculaires. Et selon l'OMS, la même quantité protégerait de certains cancers, notamment du foie et de l’endomètre… à condition de ne pas boire trop chaud. Au-delà de 65 °C, l’ingestion de boissons brûlantes pourrait en effet favoriser le développement du cancer de l’œsophage.
À son arrivée en Europe à la fin du XVIIe siècle, la boisson a suscité un tel enthousiasme que des établissements ont été créés pour permettre sa dégustation. Les cafés se sont développés, comme à Venise - où le Florian attire encore des foules de touristes - et à Paris : le Procope, plus vieille enseigne de la capitale encore en activité, a ouvert ses portes en 1686. Voltaire, Diderot ou Rousseau venaient y boire quelques tasses en dissertant. C’est là que la préparation par infusion "à la turque" a été abandonnée au profit de la percolation.
"Si je ne peux pas boire ma tasse de café trois fois par jour, alors dans mon tourment, je vais me recroqueviller comme un morceau de chevreau rôti". Dans la cantate BWV 211 dite "cantate du café", Jean-Sébastien Bach se moque de l’addiction provoquée par l’apparition de la boisson dans sa ville de Leipzig. Les paroles du morceau composé vers 1734 dépeignent les efforts d’un bourgeois pour détourner sa fille de ce qu’il considère comme une sale habitude. Une œuvre légère qui contraste avec la production d’un compositeur plus souvent tourné vers le sacré que la satire sociale !
La tradition du café remonte à la nuit des temps en Éthiopie. Extrêmement codifiée, la cérémonie Buna tetu (littéralement "viens boire le café") est menée par une jeune femme vêtue d’une robe blanche traditionnelle. Elle torréfie les grains, les broie dans un mortier, procède à l’infusion de la mouture dans un pichet d’argile (appelé "jebena") puis filtre le tout avant de verser le café dans des tasses. Amis et voisins sont fréquemment invités à partager ce moment. Ils apportent alors un présent en guise de remerciement, du sucre ou de l’encens.
Non, ce ne sont pas les Italiens qui boivent le plus de café, mais… les Finlandais, avec 7,4 kilos par an et par personne, suivis des Néerlandais (7,3 kilos) et des Suédois (6,9 kilos). Les Transalpins n’arrivent qu’en dixième position (avec 4,4 kilos). Si le classement, établi en 2022, avait tenu compte du nombre de tasses quotidien, il aurait sans doute varié : le ristretto, adoré des Italiens, requiert moins de matière première que les grands mugs utilisés dans les pays du Nord.
Des cernes sous les yeux ? Un cataplasme de marc de café mélangé à du yaourt et du jus de citron, appliqué pendant dix minutes, peut aider à les estomper. On peut aussi s’en servir comme colorant capillaire, exfoliant pour la peau ou encore pour se débarrasser d’une odeur tenace sur les mains (oignon, ail…). Le café possède également des vertus désodorisantes si vous le placez dans votre réfrigérateur. Il améliore la qualité du compost, repousse les insectes et parasites indésirables (moustiques, puces…), éloigne les chats (enfin pas tous) des plantes pour lesquelles il constitue un bon engrais. Et s’il vous reste encore un fond de marc, ne le jetez pas : il vous sera utile pour récurer vos ustensiles de cuisine…
Passé à la postérité avec ses blagues et ses calembours, Alphonse Allais est aussi l’inventeur du café instantané. Pendant son service militaire, le futur écrivain ne manque pas de relever les plaintes de ses camarades liées au jus de chaussette qu’ils sont obligés d’avaler… À son retour à la vie civile, l’étudiant en médecine qu’il est alors travaille avec quelques camarades sur la déshydratation des grains et dépose, en 1881, un brevet attestant de la création du café soluble. Ce qui n’empêchera pas le groupe suisse Nestlé de revendiquer son invention dans les années 1930 avec le désormais célèbre Nescafé.
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